27 mars 1877 - 15 septembre 1928
La loi de finance du 25 juillet 1850 par l'Assemblée, permet de débloquer des crédits pour la création de nouvelles brigades de gendarmerie. Le nouveau décret de 1854 incite les conseillers municipaux d'Aubessagne à présenter un projet pour accueillir aussi une brigade en leur commune, au bord de la grande route d'Aubessagne et ne pas sous estimer les pélerins et commerçants qui, depuis 1846, se rendent en grand nombre à La Salette en pèlerinage, à 15 kilomètres d'Aubessagne et assurent un développement visible de la commune de Corps.
Les nombreux pèlerins, dont beaucoup de Bretagne, qui, venus de si loin en affrontant moult dangers et maintenant si proches de Corps, de Saint-Firmin et de leur brigade à cheval, ont eux aussi besoin de protection.
Dès le mois de mai 1873, le Conseil Municipal d’Aubessagne transmet au préfet et au commandant de gendarmerie de Gap, son souhait d'accueillir en sa commune une brigade de gendarmerie :
“Il y a beaucoup de passage d’étrangers au département qui ignorent la notion d’autorité et se sentent à l’abri de toute impunité, ce qui oblige à contribution forcée, les habitants de ce hameau de la commune d’Aubessagne pour défendre leur commune.”
Le maire d’Aubessagne est alors Jean-Pierre GRAS-LACOMBE (1847-1880).
Dans les Hautes-Alpes, cinq brigades à cheval seront créées, toutes de cinq ou six hommes. Leur créations restent cependant peu nombreuses, à cause des sommes que le militaire doit avancer sur sa solde pour se procurer une monture ainsi que son harnachement, soit environ six à douze mois de sa solde.
L’accord est donné le 27 mars 1877 par le Ministère de la Guerre, mais la brigade d’Aubessagne sera finalement une brigade à pied, avec un brigadier et quatre gendarmes.
Autre avantage, le village est situé en bordure d’une route de grande communication et est une halte de longue durée, “grande halte”, pour les troupes qui circulent le long de cet axe, qui se servent du hameau comme “gîte d'étape”.
Les jeunes générations qui passent aujourd’hui devant le salon de coiffure et les appartements sociaux qui complètent le bâtiment municipal, ne se doutent point qu’il n’y a pas si longtemps, une inscription régnait sur la façade, “GENDARMERIE”.
Le 7 juillet 1877, un bail est signé entre le préfet Lhermitte de Gap, le chef d’escadron Godard et Louis Tournon, propriétaire d’un bâtiment situé en bordure de route. D’une superficie de 288m², composé de quatre logements avec petit jardin et du logement du brigadier avec un petit bureau contigu et deux cellules.
Le premier à s’installer dans le bâtiment est le brigadier Maurel, trente-six ans, et ses quatre enfants. Le gendarme Barniaudy de trente-deux ans, depuis deux ans en gendarmerie, a combattu contre l’Allemagne pendant la guerre de 1870 et fait prisonnier. La brigade est complétée par les gendarmes Burlet, Chaix et Chabert.
Le 11 novembre 1918, l’armistice signe la fin des hostilités et le retour des soldats dans leurs villages.
À Chauffayer, ayant succédé à Aubessagne en 1887, la brigade a souffert. Le brigadier Cesmat, lourdement touché par la perte au combat de deux de ses enfants, se retire.
1925 : Du sursis pour la brigade de Chauffayer
Le 20 août 1925, le Ministre de la Guerre annonce qu’il faut faire des économies en supprimant des brigades sans que le maintien de l’ordre ne soit compromis. Le préfet propose aussitôt la suppression des brigades de Chauffayer et de la Bâtie Neuve.
1926 : La nouvelle “loi de finances” impacte la survie de ces deux brigades.
1928 : Une année noire, fin du sursis pour la brigade de Chauffayer.
La vétusté des bâtiments porte à croire que d’importantes dépenses doivent être engagées pour les améliorer. Cette constatation laisse à penser sérieusement qu’ils devront être abandonnés.
Le 15 septembre 1928, une publication parue dans le Journal Officiel du 26 août, signée par le Ministre de la Guerre, annonce que la brigade de Chauffayer est officiellement supprimée, mettant ainsi devant le fait accompli le Conseil Municipal de la commune, malgré sa réprobation maintes fois réitérée.
Cette brigade aura résisté jusqu’à cette date avant d’être dissoute, en dépit des demandes répétées et insistantes du Conseil Municipal, dont le Maire est alors Pierre SERVEL (1919-1929), pour conserver ce casernement dans la commune.
Son sursis aura peu duré, sa pérennité depuis sa création ayant été à maintes reprises remise en cause. Elle n’aura vécu qu’un demi siècle.
La brigade de Chauffayer aura, durant une cinquantaine d’années émaillées de deux guerres (70-71 et 14-18), survécu avec toutes les conséquences humaines et financières.
La nouvelle répartition de la surveillance des communes est donc la suivante :
- Chauffayer et les Costes sont reprisent par la Brigade Territoriale de Saint-Firmin,
- Le Glaizil par celle des Barraques,
- Molines, la Motte et Saint-Eusèbe qui dépendaient de celle de Saint-Bonnet, passent sous la surveillance de la Brigade Territoriale de Pont du Fossé.
La gendarmerie ainsi fermée et la brigade dissoute, le bâtiment demeurera plusieurs décennies fermé. Toutefois, une étrange personne, Ida Bordione (née Morel), peut-être l’horloger dont la boutique était attenante à la gendarmerie, au vécu et à la silhouette coiffée d’un chapeau de paille tout rond, animera cette bâtisse.
Depuis sa fenêtre du premier étage, au-dessus du salon de coiffure actuel, elle scrutait avec attention la vie de son village, sans qu’aucun détail ne lui échappe, et tricotait depuis son observatoire des centaines de mètres de chaussettes.
Elle partageait son temps de tricotage assise sur une chaise à côté d’une fontaine située pratiquement en face de son poste d'observation, aujourd’hui disparu. Elle décéda en 1965, à l’âge de 84 ans.
La Mairesse, Jeanine Paumont, durant son deuxième mandat, restaurera la construction en piteux et dangereux état, faisant définitivement disparaître son panneau menaçant, “GENDARMERIE”.
Les habitats de la brigade sont devenus des logements sociaux, et à la place des deux cellules, un salon de coiffure, au nom de la beauté, a effacé cette mémoire dont les Chauffayerons avaient été si fiers.
[Sans la compétence, le souci du détail et le travail de recherche d’Annie Pambrun, membre de la société National de l’Histoire et du Patrimoine de la Gendarmerie, cette note n’aurait pu voir le jour.]